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1 février 2010 1 01 /02 /février /2010 06:21

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Interview de Richard Landes sur l’affaire al-Dura

Interview par 
Véronique Chemla





Le professeur Richard Landes enseigne l’histoire médiévale à l’Université de Boston. Il dirige le Centre pour les études sur le millénarisme. Il a forgé le néologisme Pallywood pour désigner l’industrie audiovisuelle de la propagande palestinienne. Il a étudié l'affaire al-Dura, moderne 
blood libel(accusation fausse de crime rituel portée à l'encontre des juifs). Interview réalisée en janvier 2008
.


Vous êtes professeur d’histoire médiévale à l’université de Boston, spécialisé dans le millénarisme. Pourriez-vous présenter vos travaux ?

Le millénarisme (mille : 1 000 et anni : années) promet un royaume messianique, un monde parfait sur terre, qui durera 1 000 ans.

J'ai commencé par étudier les croyances millénaristes et leur activation au Moyen-âge, surtout aux alentours de l'an mil - paix de Dieu (1) -, et les croyances apocalyptiques, c’est-à-dire les croyances en la transition imminente de ce monde, qui doit être purifié/détruit, vers un monde parfait.

A l’approche de l'an 2000, je me suis intéressé plus particulièrement aux effets de la proximité du passage vers un nouveau millénaire sur les attentes apocalyptiques et au phénomène millénariste, laïc et religieux.

C’est alors que j’ai approfondi mes connaissances sur le millénarisme apocalyptique dans l'islam, shiite (ayatollah Khomeiny) et sunnite (ben Laden). Le but principal du jihad est la domination de l’islam dans le monde. Avançant des revendications millénaristes, l’islamisme promet qu’une fois vainqueur, la paix règnera sur le monde. En outre, le Dajjal, version musulmane de l’Antéchrist, devait survenir en 2000 : un juif prendrait d’assaut al-Haram al-Sharif (mont du Temple) et piétinerait la mosquée al-Aqsa. Ce qui devait induire une guerre apocalyptique au cours de laquelle Dajjal entraînerait l’Occident et Israël contre les musulmans. La description par des médias arabes de la visite d’Ariel Sharon sur le mont du Temple, en septembre 2000, correspond à cette croyance (2).

Maintenant, je travaille sur les manifestations du médiévisme au XXIe siècle : guerre sainte, accusation fausse de meurtre rituel (blood libel), culte des « martyrs ».

Le 30 septembre 2000, le JT de 20 h de France 2 diffusait un reportage de Charles Enderlin, correspondant de France 2 à Jérusalem, et de son cameraman palestinien Talal Abou Rahma. Charles Enderlin disait en voix off : « Près de l’implantation de Netzarim (bande de Gaza)… Jamal et son fils Mohamed (12 ans) sont la cible des tirs venus des positions israéliennes. Son père tente de le protéger... Une nouvelle rafale. Mohamed est mort et son père gravement blessé ». Comment avez-vous été amené à étudier l’incident al-Dura ?

J’ai noté que l’incident al-Dura a joué le rôle de blood libel(accusation fausse de crime rituel), et que cela avait réveillé le monde arabe de façon extraordinaire. A partir de la diffusion des images sur les al-Dura et l'Intifada II qui a suivi, le discours apocalyptique est passé des marges au centre du monde islamique.

A ce moment-là, je n’avais pas l’idée que ces images étaient mises en scène.

Par la suite, sur l’incident al-Dura, j’ai lu l’article de James Fallows dans Atlantic Monthly, (3) et j’ai aussi vu l’enquête télévisuelle de la journaliste Esther Schapira, Drei Kugeln und ein todes Kind(Trois balles et un enfant mort, qui a tué Mohamed al Dura ?)

J’ai effectué une recherche documentaire sur les conséquences de l’affaire al-Dura. Par exemple, on retrouve l’image des al-Dura dans une manifestation en octobre 2000 à Paris où on comparait les Israéliens aux Nazis et on criait : « Mort aux juifs ! » pour la première fois en public depuis la Shoah (4).

Ensuite je suis allé en Israël, où j’ai regardé à plusieurs reprises les rushes tournés par des cameramen (Reuters, AP) présents au carrefour de Netzarim ce 30 septembre 2000, date de l’incident al-Dura. Je les ai analysés avec l’assistance du physicien Nahum Shahaf qui m’a fait comprendre à quel point ces rushes comprenaient des scènes de guerre jouées par les Palestiniens.

Enfin, j’ai rencontré Charles Enderlin, correspondant de France 2 en Israël, dans son bureau à Jérusalem, et vu à trois reprises les fameux rushes du cameraman palestinien de France 2, Talal Abou Rahma.

Parlez-nous de vos trois rencontres avec Charles Enderlin à Jérusalem…

J'ai été surtout frappé par son manque de connaissances de ce qui s'était passé ce jour-là : il m'a dessiné le carrefour de Netzarim en plaçant la position israélienne sur le mauvais côté de la rue !

J’ai visionné les rushes dans son bureau. J’ai dit que cela semblait mis en scène. Charles Enderlin a affirmé : « Oh, ils font cela tout le temps. C’est un trait de culture. Ils exagèrent… » Je lui alors dit : « Ils font cela tout le temps, mais alors pourquoi pas dans le cas d’al-Dura ? » Il m’a répondu : « Oh, ils ne sont pas assez bons pour ça ». Je lui ai dit qu'il devrait au moins considérer comme hypothèse de travail la possibilité que son cameraman palestinien Talal Abou Rahma l’ait dupé. Charles Enderlin me répondit : « Talal n'aurait même pas songé à un tel projet, car pour le faire, il se serait rendu compte qu'il ne pourrait jamais me tromper, donc cela ne lui serait même pas venu a l'esprit ». J’ai pensé exactement le contraire. Et, plus tard, Charles Enderlin m’a dit : « Jamais [Talal Abou Rahma] ne me mentirait. Nous sommes des amis. Nos familles mangent ensemble ».

J’ai été étonné que Charles Enderlin n’analyse pas certaines sources. Lors de notre dialogue, il m’a passé un fax triomphalement : « Vous voyez, c'est comme ça tous les jours ». J’ai lu qu’un enfant palestinien avait été tué par un soldat israélien. « Comment est-on sûr de ces faits ? », ai-je demandé. Charles Enderlin m’a répondu : « La source, c'est quelqu’un à l'hôpital ». Je l’ai interrogé : « Comment cette source sait-elle d'où provenaient les tirs ? » Charles Enderlin me regarda avec mépris, comme si j'étais un pauvre imbécile.

Une autre fois, nous parlions des balles au sujet desquelles Talal Abou Rahma avait menti à Esther Schapira. Ce cameraman palestinien lui avait dit d’abord que les Palestiniens avaient les balles. Puis, quand cette journaliste lui a dit que le général palestinien ne les avait pas, il lui a rétorqué : « France 2 took them » (Ndlr : en français, « France 2 les a prises »). Et, quand il a du se rendre compte que ce n’était pas vrai et qu’Esther Schapira pouvait le constater en vérifiant ses allégations, il a souri et a dit : « Nous avons nos secrets pour nous, nous ne pouvons pas dire tout… juste, n’importe quoi ».

Quand j’ai interrogé Charles Enderlin au sujet des balles, il m’a répondu : « Le général palestinien les a dans un sac, dans son bureau ». Il me semble que si ce général avait les balles qui ont tué le petit Mohamed al-Dura et ont blessé son père Jamal al-Dura, et si ces balles étaient israéliennes, il les aurait montrées au monde entier. « Et tu crois [ce général palestinien] ? », ai-je demandé à Charles Enderlin. « Je le crois autant que le général Yom Tov Samia », me rétorqua-t-il. Or, le général palestinien n'a procédé à aucune enquête en expliquant : « On sait qui est coupable», tandis que le général israélien Yom Tov Samia avait fait une enquête. Si Charles Enderlin a commenté sur France 2 l’enquête du général Yom Tov Samia, donc il a du la lire, comment dès lors a-t-il pu se tromper dans le dessin qu’il m’a fait ? Il y a placé la position israélienne face aux al-Dura, alors que cette position se trouve de l’autre côté du carrefour de Netzarim, en oblique par rapport aux al-Dura protégés derrière le baril en béton.

France 2 a transmis à la Cour d’appel de Paris des rushes d’une durée de 18 minutes, et non de 27 minutes. Ces rushes ont été vus lors de l’audience du 14 novembre 2007. Que pensez-vous de cette audience (5) ?

Charles Enderlin a expliqué avoir procédé à des coupes dans les rushes. Aux Etats-Unis, la juge aurait dit : « Ce n’est pas à vous de prendre une telle décision, amenez-nous tous les rushes ! ».

Quand les avocats de France 2 se mirent debout et bloquèrent la vue au journaliste Luc Rosenzweig et à moi, j’ai été surpris que la juge ne leur ait pas dit de s'asseoir.

Il me semble que, quand on a laissé Charles Enderlin parler pendant le visionnage de ces rushes, cela lui a conféré un avantage : il a pu nous dire ce qu'on était en train de voir. Et puisque la suggestion joue un rôle immense dans cette affaire – les chaînes de télé ont dit aux spectateurs qu’ils allaient voir un enfant être tué, et c’est ce qu’ils ont « vu » même si ce n’est pas ce qu’ils voyaient –, cela m’a semblé une erreur.

J’ai également été étonné que la juge ne demande pas au journaliste Luc Rosenzweig et à moi après ce visionnement si toutes les images des al-Dura que nous avions vues, à Paris ou à Jérusalem, correspondaient bien aux images des rushes communiqués par France 2 et Charles Enderlin à la Cour.

Je me souviens avoir vu en présence de Charles Enderlin au moins cette scène : un Palestinien a fait semblant d’avoir été blessé à la jambe, mais au lieu d’attirer des jeunes costauds qui pourraient le lever et l’emmener vite, en dépassant les cameramen, il n’a attiré que des petits gamins. Il les a chassés, a regardé autour de lui, et, voyant que personne ne venait l’évacuer, il s’est redressé et s’est éloigné sans boiter.

Comme les « Nixon tapes » - les enregistrements sonores du président Nixon (6) –, je pense que ces rushes discréditent la thèse de Charles Enderlin : les dernières images des rushes communiqués par France 2 et Charles Enderlin nous montrent en effet Mohamed al-Dura vivant, lever son coude, regarder la caméra, alors que sur l’image précédente Charles Enderlin avait affirmé que l’enfant était mort.

Mais même si Philippe Karsenty, directeur de l’agence de notation des médias Media-Ratings (7), avait un handicap – il commentait les rushes de France 2 qu’il découvrait, qu’il n’avait pas vus auparavant -, je crois qu'il a montré de nombreux indices fondés permettant de douter de la version de Charles Enderlin.

Quelle est votre position sur l’incident al-Dura ? Pensez-vous qu’il s’agit d’une mise en scène ?

Je crois que les probabilités que ce soit une mise en scène sont immenses. Et ceci pour de nombreuses raisons : parjure du seul témoin, Talal Abou Rahma, absence de la scène d’agonie de l’enfant que Charles Enderlin avait jugée «trop insupportable », angle des tirs exonérant les Israéliens, pas de sang, pas de scène d’évacuation en ambulance, Mohamed al-Dura tient sa main sur ses yeux, et pas sur son ventre où il est censé avoir été blessé, etc.

Comment analysez-vous l’affaire médiatique al-Dura et ses conséquences ?

Malheureusement, une grande partie du monde, surtout arabe et européen, a soif d'images d'Israéliens agissant mal et a gobé ces images comme un gourmand.

Les conséquences de ces images sont entre autres :

- l'essor d'une nouvelle phase du jihad mondial, beaucoup plus populaire parmi les musulmans à travers le monde. Mohamed al-Dura en est devenu le martyr. Ben Laden a déclaré : « En tuant ce gamin, les Israéliens ont tué tous les enfants du monde » et a tout de suite utilisé les images de Talal Abou Rahma dans sa vidéo de recrutement pour le jihad ;

- l'essor d'un antisionisme/antisémitisme parmi les Européens qui à la fois encourage la violence de populations immigrées, et qui empêche les Européens de comprendre le danger qui les menace. Quand les Européens ont montré cette image à la télé - presqu'aussi souvent que le monde arabe -, ils ont éveillé des forces de la haine qui les visent – comme « Croisés » - tout autant qu'elles visent les Israéliens.

D'un autre point de vue, il me semble que de grands medias ont failli, n’ont pas fait d’investigation, et au contraire, ont essayé de marginaliser ceux qui, comme moi, ont fait un travail de vérification à leur place.

Ceci représente un avertissement essentiel aux publics français/européen/occidental. Si des medias ont agi ainsi sur une histoire comme celle du petit Mohamed, nos informations sur le conflit en Proche-Orient sont-elles atteintes par les mêmes faiblesses internes que l’incident al-Dura ? Et quelles en sont les conséquences ?

Vous avez créé le néologisme Pallywood (Palestine/Hollywood). Comment définissez-vous Pallywood ?

C'est un jeu de mots sur Bollywood, l'industrie cinématographique indienne (Bombay), et Hollywood. Pallywood désigne l'industrie cinématographique palestinienne qui réalise ses mises en scène, des scènes créées pour être présentées au public, palestinien aussi bien qu’occidental, comme étant des vrais événements, des actualités.

Le mot Pallywood m’est venu à l’esprit après avoir vu les rushes de Talal Abou Rahma chez Charles Enderlin : ces rushes contenaient des scènes jouées.

Quand on examine les rushes des cameramen palestiniens, on s'aperçoit qu'il y a des scènes « spontanées » - quelqu’un fait semblant d'être blessé, on l'amène à toute vitesse en passant devant les cameras dans une ambulance -, on a des metteurs en scène, et des lieux de tournage.

Mais le plus terrible, ce n'est pas que les Palestiniens emploient les medias comme arme de guerre, c'est qu’une très grande partie de nos medias, au lieu de leur expliquer que cela ne se fait pas selon la déontologie journalistique, prennent ces images et nous les présentent comme étant réels.

Vous avez fondé deux sites Internet : The Second Draft etThe Augean Stables (8). Dans quels buts ?

The Second Draft - deuxième jet en américain – est ma réponse aux journalistes qui se présentent comme écrivant « le premier jet de l’histoire ». En tant qu’historien, j’examine et critique leur « premier jet ». Dans le cas de Pallywood et l’affaire al Dura, j’ai mis sur ce site non seulement mon analyse, mais toute la «documentation » sur Pallywood et sur l’affaire al-Dura. Cela laisse à ceux qui veulent se former leur propre opinion la possibilité de visionner les rushes, pas ceux de France 2, mais ceux d'un autre cameraman palestinien datant du même jour, le 30 septembre 2000, des émissions, des interviews et discussions.

Je crois que chacun devrait se faire ses propres conclusions dans cette affaire, et disposer d’informations quand il lit les articles publiés sur l’affaire. Je ne pense pas que tout le monde sera d'accord avec moi, mais j'imagine que parmi ceux qui verront ces images, la majorité conviendra que de grands medias se sont trompés.

Theaugeanstables est mon blog. Je l’ai appelé ainsi en référence aux écuries d’Augias, le 5e des 12 travaux d’Hercule/Héraclès (9). J’y présente et j’analyse les erreurs de médias et l’extraordinaire résistance de ces derniers à les reconnaître, ce qui crée des problèmes dans le monde. J’y publie également mes articles, ceux d’autres auteurs – journalistes, islamologues, etc. – que je commente.
(1) Dans l’Occident médiéval (Xe-XIe siècles), l’église catholique a promu la paix de Dieu, un mouvement spirituel et social afin de maîtriser ou juguler l’usage de la violence dans la société.
(2) Richard Landes, Jihad, Apocalypse et Antisémitisme. JCPA, Post-Holocauste et Antisémitisme, n°. 24, 1er septembre 2004/15 Elul 5764 à http://www.jcpa.org/phas/phas-fr-24.htm
(3) James Fallows, Who Shot Mohammed al-Dura ?, The Atlantic Monthly, juin 2003, àhttp://www.theatlantic.com/doc/200306/fallows
(5) Véronique Chemla, Mohamed al-Dura est vivant à la fin des rushes de France 2 !
(9) Ce héros de la mythologie devait nettoyer en un jour les écuries d’Augias, rendues inaccessibles par la grande quantité de fumier de ses nombreux troupeaux.
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