Le 1er mai vers 1 h 30 du matin heure locale, un commando américain composé de SEALs et des membres de la CIA a pris d'assaut un Coumpound(lieu protégé) situé dans la localité d'Abbottabad, dans le nord-est du Pakistan. Des renseignements sur la localisation du leader d'Al-Qaida avaient commencé à être recueillis en août 2010 et avaient été peu à peu affinés par les agents de la CIA. Le corps de Ben Laden a ensuite fait l'objet d'une autopsie et de tests ADN, de manière à s'assurer formellement de son identité. En effet, une fausse annonce de sa fin aurait eu un effet désastreux auprès de l'opinion mondiale. Cela dit, si le symbole du djihad mondial est mort, l'organisation qu'il a créée est encore bien vivante.
PARCOURS D'OUSSAMA BEN LADEN, L'HOMME QUI A TERRORISÉ LA PLANÈTE ENTIÈRE
La famille Ben Laden, riche et influente
Oussama Ben Laden, 17e enfant sur 54, est né en juillet 1957 à Riyad (l'enregistrement des naissances en Arabie Saoudite n'étant pas obligatoire à l'époque, la date précise n'est pas connue) dans un milieu traditionaliste d'origine yéménite. Sa famille, établie en Arabie saoudite, entretient toujours des liens importants avec le parti fondamentaliste yéménite Islah dirigé par le cheikh Al-Ahmar. La mère de Ben Laden, Hamida, est originaire de Syrie. Son père, Muhammad ben Awdah Ben Laden est un Yéménite originaire de la province d'Hadramaout. Ingénieur et architecte de formation, il émigre en Arabie Saoudite en 1932. Il y fonde la Ben Laden Corporation, une entreprise de travaux publics qui devient vite très prospère. Il décède dans un accident aérien en 1968. Les Ben Laden, dont la fortune est estimée entre trois et cinq milliards de dollars, sont au mieux avec la famille royale saoudienne auprès de qui ils traitent directement de leurs affaires sans passer par les ministres concernés. Ils ont ainsi obtenu le monopole de la construction de mosquées et de la réfection des lieux saints en Arabie saoudite. Le siège du groupe (actuellement dénommé le Saudi Binladin Group) se trouve à Djedda. Les activités de la famille sont également internationales. Leurs entreprises de génie civil ont notamment participé à la reconstruction du Liban et du Koweït. Le groupe Ben Laden s'est même vu attribuer, dans les années 1990, la construction de bases militaires américaines en Arabie saoudite. Il s'agit d'un véritable conglomérat qui, en plus de la construction immobilière, est présent dans les télécommunications, l'édition (par exemple, la commercialisation sous licence des livres de Walt Disney), le textile, l'électronique, les machines industrielles, etc. Un des frères d'Oussama, Yeslam, installé en Suisse depuis 1980, a obtenu la nationalité helvétique en mai 2001. Comptant parmi les principaux responsables des activités de la famille Ben Laden à l'étranger, Yeslam dirige la nébuleuse SICO (Saoudi Investment Company), tête de pont des sociétés offshore du groupe. Il est également président d'une société de prestations dans le domaine du transport aérien : Avcon Business Jets Geneva. Depuis 2001, Yeslam a affirmé avoir rompu tout lien avec son demi-frère. Par ailleurs, la famille Ben Laden est présente dans de nombreux établissements financiers dont la première banque islamique saoudienne, Al Baraka.
Des études studieuses mais un engagement religieux précoce
A la différence de ses frères qui ont effectué leurs études au très réputé collège Victoria d'Alexandrie, en Egypte (établissement notamment fréquenté par feu le roi Hussein de Jordanie, les frères Kashoggi ou l'acteur Omar Sharif), Oussama suit des cours d'économie et de marketing à l'université du roi Abdelaziz à Djedda, en Arabie Saoudite.
Très tôt il est passionné par les questions religieuses. Il a comme professeur de religion le Palestinien Abdulhah Azzam qui, scandalisé par la corruption de l'OLP, a quitté le mouvement. Azzam, qui est considéré comme le maître spirituel d'Oussama, affirme déjà que l'islam ne retrouvera sa pureté qu'en engageant la guerre sainte (djihad) contre les infidèles. Il est également influencé par Mohammed Quttub, un célèbre philosophe islamique.
Dès 1973, Oussama s'intéresse à la politique et fréquente les milieux intégristes qui critiquent déjà la monarchie wahhabite. Il se démarque de sa famille qui, pour sa part, s'accommode fort bien du régime, car la prospérité des Ben Laden est à ce prix. Il se passionne à l'époque pour le combat des islamistes au Yémen, pays qui est aujourd'hui un des nœuds gordiens de l'islamisme international et de la « révolution arabe ». En 1976, il suit de près la campagne lancée par les Frères musulmans contre le régime syrien d'Hafez El-Assad, jugé comme trop laïc. Sa première opération consiste même à financer en 1979 le combat de l'opposition islamique en Syrie (action qui se terminera tragiquement en 1982 avec le massacre de Hama).
Son engagement contre l'Armée rouge en Afghanistan
Profondément pieux et idéaliste, il ressent l'invasion de l'Afghanistan par l'Armée rouge, le 27 décembre 1979, comme une agression contre l'islam. Toutefois, il convient pour cette période de raison garder. De l'aveu même d'autorités russes présentes sur place à l'époque, elles n'ont jamais entendu parler de Ben Laden lors du conflit.
Son rôle réel, essentiellement logistique, est aujourd'hui mis en exergue. Il était en réalité limité, du moins en ampleur. Ayant abandonné ses études, on retrouve Bin Laden au début de l'année 1980 aux côtés des moudjahiddines. Peu à peu, la résistance se structure et obtient quelques succès contre les forces russes, jugées alors comme très puissantes, voire invincibles. Les Etats-Unis découvrent alors l'intérêt qu'il y a à tirer du conflit : une connaissance approfondie des savoir-faire de l'armée soviétique et, surtout, l'affaiblissement de l'empire communiste. Washington commence alors à apporter une aide discrète aux moudjahiddines, en se servant des services spéciaux pakistanais et saoudiens comme écrans. L'ensemble de ces actions est baptisé par la CIA opérationCyclone. Les Américains essayeront toujours, dans la mesure du possible, de se servir de tiers comme « fusibles » ; ainsi, ce sont des instructeurs du SAS britannique qui initieront les moudjahiddines à l'emploi des missiles sol-air occidentaux.
Contrairement à ce qui est déclaré par divers médias, Oussama n'a jamais été directement « traité » par les services spéciaux américains ; il n'était alors qu'un Honorable Correspondant (HC) des services pakistanais et saoudiens.
C'est dans ce contexte qu'Oussama Bin Laden se voit confier par le prince Turki al Faysal, chef des services secrets saoudiens de l'époque, la tâche d'organiser le recrutement, l'acheminement, le financement (en particulier en faisant appel à de généreux mécènes), l'hébergement et l'entraînement de volontaires musulmans désireux d'en découdre avec les « impies ». Ces volontaires seront appelés les « Afghans arabes ». Les visas délivrés par le Pakistan laissent à penser que le nombre total d'Afghans arabes recensés est de : 5 000 Saoudiens, 3 000 Yéménites, 2 800 Algériens, 2 000 Egyptiens, 400 Tunisiens, 370 Irakiens et 200 Libyens. D'autres estimations font également état de 17 000 à 35 000 djihadistes, en comptabilisant les Iraniens et les membres des autres nations. Le djihad constitue, pour certains Etats arabes, l'occasion d'éloigner ou de neutraliser leurs activistes ou ceux susceptibles de le devenir sous l'influence de des services spéciaux iraniens, très actifs à cette époque. Téhéran espérait alors à répandre sa révolution islamiste de par le monde.
Après entraînement dans des camps au Pakistan, les volontaires sont mis à la disposition de différents mouvements de résistance. Il est à noter qu'un des plus importants chefs militaires de ces Afghans arabes est Abou Obeida al Panshiri, qui sera considéré plus tard par les services américains comme le premier chef opérationnel d'Al-Qaida et, à ce titre, comme l'instigateur des attentats contre leurs ambassades en Tanzanie et au Kenya en 1998.
En 1984 à Peshawar, Ben Laden rejoint le chef des Frères musulmans de Palestine, Abdallâh Azzam qu'il avait eu comme professeur à Djedda. Ce dernier est le fondateur du MAK (Makhtab al-Khidamat el Mudjahidine al-Arab, Bureau des services aux moudjahiddines), une ONG qui intensifie l'afflux des volontaires islamiques. Des bureaux de recrutement (sous couvert des ONG Al Kifah et Wafa) sont ouverts aux Etats-Unis, à Londres, en Egypte, en Arabie saoudite et au Pakistan. Dans ce dernier pays, le mouvement gère également une « résidence » à Peshawar qui est le point d'accueil des volontaires étrangers qui sont ensuite dirigés vers des camps d'entraînement exclusivement réservés aux Afghans arabes. Azzam, qui en fin stratège, a étudié l'internationale socialiste créée par le Kominterm, sera l'inspirateur de l'organisation Al-Qaida.
En 1986, Ben Laden installe ses deux premiers camps à l'intérieur même du territoire afghan, dont l'un est appelé Al-Massadah, « la tanière du lion ».
En 1988, il rompt avec Azzam qui, curieusement, sera tué avec deux de ses quatre fils dans un attentat à la bombe le 24 novembre 1989. Peut-être Ben Laden a-t-il jugé bon de se débarrasser de son maître ?
Création officielle d'Al-Qaida
Il crée au début 1989 l'organisation Al-Qaida (en arabe, « la base »). En fait, Ben Laden utilise ses connaissances en informatique pour répertorier les volontaires transitant par ses camps d'entraînement. Cette base de données, d'où l'organisation tire son nom, sera à l'origine de la mise en place d'une structure dans laquelle les différentes ramifications jouiront plus tard d'une très large autonomie.
En février 1989, les derniers Soviétiques quittent l'Afghanistan et les Américains et les Saoudiens arrêtent leur aide aux mouvements de résistance afghans. Les services spéciaux pakistanais continuent une politique personnelle et maintiennent des liens directs avec Ben Laden.
Bien que ce dernier désire continuer la lutte contre le pouvoir communiste de Najibullah laissé en place à Kaboul (ce régime ne tombera qu'en 1992), il rentre en Arabie saoudite fin 1989. En fait, il partage alors son temps entre l'Afghanistan, le Pakistan et l'Arabie saoudite. Pour juger de l'importance « stratégique » des combattants étrangers lors du conflit afghan contre les Soviétiques, et de par là même la réelle importance de Ben Laden à l'époque, il est utile de rappeler que seulement 44 Afghans arabes ont été recensés comme tués lors de cette guerre. Le combat des étrangers était donc bien plus symbolique que réel et sert surtout à alimenter la légende utile au djihad moderne.
Il crée alors le « Comité du djihad » qui regroupe des membres des organisations fondamentalistes suivantes : le gama'a al islamiya égyptien (ouJamaa Islamiya), mouvement dirigé par le cheik Omar Abdel Rahman, responsable du premier attentat contre le World Trade Center, aujourd'hui emprisonné aux Etats-Unis ; le djihad yéménite ; le al-hadith pakistanais ; la ligue des partisans libanais ; le jama al islamiya al muqatta libyen ; le bait al-imamjordanien ; le GIA algérien.
Parallèlement, il continue à financer l'envoi de volontaires arabes vers le Pakistan.
Quand Oussama Ben Laden se retourne contre ses commanditaires
Au commencement de la crise irako-saoudienne de 1990, Ben Laden va jusqu'à proposer l'engagement de ses volontaires Afghans arabes au régime de Riyad mais se fait éconduire diplomatiquement mais fermement.
Se détournant alors de ses commanditaires, il se dit choqué par l'application sélective de la charia par la monarchie wahhabite qu'il considère désormais comme corrompue et se montre scandalisé par l'arrivée de soldats occidentaux en Arabie saoudite. Il considère qu'il s'agit là d'une violation de terres d'islam par des impies.
Son but consiste alors à tenter de chasser les Américains de la péninsule arabique et, plus encore, à faire tomber le régime saoudien. Il reproche aux Américains pour leur part, d'être des infidèles, mais surtout de soutenir les régimes corrompus de Riyad et du Caire.
Bien que son passeport lui ait été retiré par les autorités, il parvient à quitter l'Arabie Saoudite et gagne le Pakistan au début 1991, puis il rejoint l'Afghanistan.
Lors de la guerre civile afghane, plusieurs tentatives d'attentats contre sa personne le convainquent de se mettre à l'abri.
L'exil soudanais d'Oussama Ben Laden
En 1991, il rejoint le Soudan (pays qui a soutenu l'Irak durant la première guerre du Golfe) où le régime islamique de Assan Al-Tourabi - qui dirige alors le parti unique, le Front islamique national - lui réserve le meilleur accueil. En effet, dès 1989, Tourabi l'avait invité à s'installer au Soudan.
L'installation de Ben Laden a été précédée en 1990 par une équipe de précurseurs qui a préparé son arrivée. A l'époque, il est aidé par un Soudanais ancien Afghan arabe rencontré en 1989 : Mohamed Suleiman Al Nahfi, qui sera arrêté au Kenya et extradé vers les Etats-Unis en 2001. Ben Laden vit alors avec ses trois épouses et ses quinze enfants entre la ville d'Ondurman et le sud de Khartoum.
Lors de son séjour soudanais, il rencontre de nombreux responsables islamiques qui viennent participer à des rencontres internationales organisées par Al-Tourabi. C'est à cette époque qu'il tisse des liens d'amitié avec de nombreuses personnalités islamiques qui apporteront leur soutien à Al-Qaida dans les années suivantes. Il tente même à l'époque de se rapprocher des chiites et plus particulièrement du Hezbollah libanais.
Rompant définitivement avec Riyad, Ben Laden crée un mouvement politique farouchement opposé au régime saoudien appelé le Comité conseil et réforme (Hayat al-Narriha wal-islah). Parallèlement, il facilite l'implantation d'Afghans arabes démobilisés dans leur pays d'origine, ou au Soudan, ou au Yémen, quand ces derniers sont jugés indésirables chez eux. C'est également à ce moment là qu'il commence à rechercher des armements NRBC (nucléaire, radiologique, bactériologique et chimique) sur le marché international.
En mai 1993, Riyad, qui jusque là avait ménagé Ben Laden par égard pour sa famille, se décide à lancer un mandat d'arrêt contre lui. Plus grave, tous les comptes officiels qu'il possède en Arabie saoudite sont gelés. Ne se laissant pas impressionner, il ouvre un bureau de son mouvement Comité conseil et réforme à Londres. Excédé, Riyad le déchoit alors de sa nationalité saoudienne en avril1994.
Depuis son repaire soudanais, en plus d'aider le pouvoir en place dans la guerre qui l'oppose aux chrétiens du sud, il soutient la lutte des fondamentalistes algériens, égyptiens et du djihad yéménite, qu'il aidera à vaincre en 1994 le pouvoir socialiste de l'ex-Yémen du Sud. En conséquence, le président Ali Abdallâh Saleh - dont la position est aujourd'hui fortement compromise - lui doit en grande partie son poste.
Enfin, il ouvre un camp d'entraînement à Khartoum qu'il confie à Ali Mohammed, un ancien militaire égyptien.
Les premiers attentats anti-Américains
En avril 1996, une voiture piégée explose à l'extérieur d'un centre d'entraînement de la Garde nationale saoudienne encadrée par des Américains, à Riyad. Deux Américains sont tués. Quatre Saoudiens liés à Ben Laden, sont arrêtés, jugés et exécutés.
Le 25 juin de la même année, un camion bourré de deux tonnes d'explosifs pulvérise les tours de Khobar, à l'entrée de la base américaine de Dahran. Le bilan est de 19 morts et 386 blessés.
Ces actions terroristes sont attribuées à l'époque à Al-Qaida. Il s'avère par la suite que l'attentat de Darhan a été commis par le Hezbollah saoudien (chiite) avec l'appui logistique de Ben Laden. Ces opérations ont été un exemple de ce que peut être la coopération au niveau du terrorisme islamique international. Ben Laden a fourni les fonds, les moyens d'acheminement des armes et explosifs, les services soudanais ont offert la base arrière, les lieux de stockage et les sauf conduits nécessaires, les activistes saoudiens chiites fournissant « la piétaille ».
Le retour vers la zone AFPAK
En mai 1996, jugé trop encombrant par les autorités soudanaises en mal de reconnaissance internationale, Ben Laden est invité à quitter le Soudan, pays où il ne se sent d'ailleurs plus en totale sécurité depuis l'extradition de Carlos vers la France, en 1994. Il est intéressant de remarquer que sa garde rapprochée de l'époque est constituée presque exclusivement de membres du GIA algérien. Ce départ forcé représente alors pour lui une perte d'argent importante d'autant que Khartoum décide de bloquer les comptes officiels qu'il possède dans le pays.
Il rejoint l'Afghanistan. L'organisation n'avait jamais vraiment quitté la région, gardant des bureaux à Kaboul et dans les grandes villes du Pakistan. C'est avec leur aide qu'il s'installe dans la région de Jalalabad. Il effectue de courts séjours en Iran, à Dubaï et vraisemblablement à Londres où il est reçu par un opposant saoudien, Khaled Al-Fawaz, qu'il avait installé en 1994 à la tête du bureau anglais du Comité conseil et réforme.
Séjour en Afghanistan du temps du gouvernement taleb
En août 1996, Ben Laden déclare ouvertement la guerre sainte aux Etats-Unis qui occupent le pays où se trouvent les deux villes saintes (la Mecque et Médine, en Arabie saoudite). Un mois après cette déclaration, les taliban, soutenus par les services secrets pakistanais, s'emparent du pouvoir à Kaboul. Ben Laden s'allie alors étroitement avec eux. Ils paieront le prix fort de cette alliance mais en tireront également des bénéfices. En effet, Ben Laden apporte au régime entre 10 et 20 millions de dollars par an. En échange, ses djihadistes profiteront de nombreux avantages, parfois impopulaires chez les Afghans : l'utilisation de plaques minéralogiques du ministère afghan de la Défense pour leurs véhicules, ouverture de camps qui se développent sur l'ensemble du territoire afghan, libre accès à la compagnie aérienne Ariana pour le transport de personnels, de matériels ou de fonds ...
En 1998, Ben Laden se fixe dans la région de Kandahar, fief du mollah Muhamad Omar Akhunzadeh, dit « le borgne », leader spirituel des taliban, qu'il a connu au Pakistan dans les années 80 alors que ce dernier n'était qu'un obscur docteur de la foi. Ben Laden serait devenu un de ses beaux-pères ou inversement.
Les volontaires islamiques dont il a la charge financière, épaulent les taliban dans leur lutte contre l'Alliance du Nord. Ils sont regroupés au sein d'une unité militaire baptisée Brigade 055. C'est cette organisation qui organise pour le compte des taliban, l'assassinat du commandant Massoud. Les meurtriers, Dahama Abd Al Sattar et Rachid Bouraoui el Ouar, des Tunisiens, ont été dotés par le réseau d'Al-Qaida en Europe de faux passeports belges et d'un ordre de mission journalistique émis par Yasser Tawfid'Ali Al-Siri. Cet islamiste égyptien réfugié à Londres, y dirige l'Observatoire islamique de l'information. Ce personnage est bien connu des services de sécurité pour ses liens d'amitié entretenus avec Al Zawahiri, le numéro deux d'Al-Qaida.
Les relations de Ben Laden avec les taliban étaient cependant ambiguës : selon un ancien responsable taliban : « Oussama ne peut exister en Afghanistan sans les taliban et les taliban ne peuvent exister sans Oussama ». Ses relations d'amitié avec le Mollah Omar se seraient également détériorées avec le temps, les deux hommes ne partageant pas les mêmes idées concernant l'éducation des enfants. D'autre part, le Mollah Omar aurait reproché à Ben Laden sa trop grande médiatisation et aussi d'être le responsable de la chute des taliban en raison des ses opérations terroristes trop importantes.
Le début de la guerre ouverte contre les Occidentaux
Le 23 février 1998, il crée une sorte d'internationale islamique : le Front islamique mondial pour le djihad contre les Juifs et les Croisés (Al-jabhah al-Islamiya al-Alamiyah Li-Qital al-Yahud Wal-Salibiyyin) qui regroupe les organisation Al-Qaida, le jihad égyptien, le jamiat ulema-e-Pakistan (organisation des oulémas pakistanais), Ansar ou harakat-ul moudjahédine, le Djihad bangladeshi, le GSPC algérien et l'Armée islamique pour la libération de lieux saints.
A cette occasion, une fatwa est proclamée déclarant qu'il est « du devoir personnel de chaque musulman qui se trouverait dans la position de le faire, de tuer des Américains, civils ou militaires » et de lutter jusqu'à « la libération de la mosquée d'al-Aqsa et de la sainte mosquée de la Mecque et jusqu'au départ de leurs armées de la terre de l'islam ». C'est le moment où il décide de s'en prendre directement aux intérêts américains dans le monde, et si possible, aux Etats-Unis même. La préparation des attentats peut commencer.
Le 7 août 1998, deux véhicules piégés explosent à l'extérieur des ambassades des Etats-Unis au Kenya et en Tanzanie. Mohamed Odeh, Mohamed Rached Daoud al-Owahali, Walid El-Haje, des responsables de ces attentats avoueront après leur arrestation leurs liens avec Al-Qaida. En fait, les services américains découvriront ultérieurement que des opérations d'envergure avaient été décidées au Kenya et en Tanzanie par Ben Laden dès 1993. Les objectifs sont choisis en raison de leur vulnérabilité. La préparation même de ces attentats n'a lieu qu'au début 1998 et les bombes ne sont définitivement assemblées que quelques jours avant l'action. Toutes les personnes impliquées, à l'exception des kamikazes et les activistes chargés de faire disparaître toutes les traces impliquant Al-Qaida, sont exfiltrées dans la nuit du 6 au 7 août. Le chef présumé serait Mustafa Mohamed Fadhil possédant la double nationalité égyptienne et kenyane, et un des responsables principaux serait Fazul Abdullah Mohamed.
En 2000, Bin Laden crée le Front pour le Djihad Mondial et le Combat contre les Mécréants. Après une première tentative ratée d'attentat à Aden contre l'USS Sullivans en janvier 2000, l'embarcation suicide trop chargée en explosifs ayant coulé, le 12 octobre de la même année et au même endroit, un attentat a lieu contre le destroyer USS Cole. Il cause la mort de 17 marins et en blesse 35 autres. Le responsable de ces attaques est Abdel Rahim Al-Nashiri, arrivé à la fin 1999 au Yémen pour préparer ces attaques navales. Ce personnage est déjà impliqué dans les attaques contre les ambassades américaines d'Afrique de l'Est. Son adjoint était alors Tawfiq bin Attash.
Les attentats du 11 septembre 2001
Les opérations majeures imputées personnellement à Ben Laden sont les attentats du 11 septembre 2001 contre les Etats-Unis. C'est un tournant qui va lancer Washington, plus ou moins bien suivi par l'ensemble des gouvernements de la planète, dans la guerre totale contre le terrorisme, et en particulier, qui va conditionner l'invasion de l'Afghanistan, le repaire de l'époque de Ben Laden.
Son organisation sera alors obligée de se réorganiser complètement. Jusqu'au 11/09/2001, elle était relativement centralisée, Oussama Bin Laden prenant lui-même les grandes décisions depuis son repaire afghan transformé en base opérationnelle mondiale. L'éclatement d'Al-Qaida va pousser les branches étrangères à acquérir dans les faits une totale indépendance. Le pouvoir décisionnel s'en trouve donc aux mains des chefs de mouvements, de groupe ou de groupuscules islamiques implantés dans les différents pays.
Entrée dans la clandestinité d'Oussama Ben Laden
Oussama Bin Laden disparaît physiquement avec la chute des taliban. En 2002, un de ses adjoints, Khaled Cheikh Mohammed, aujourd'hui détenu par les Américains, créé au Pakistan la « Deuxième armée de Mohamed ». Cette « armée » regroupe des militants historiques d'Al-Qaida et de jeunes activistes recrutés dans des écoles coraniques.
PORTRAIT PSYCHOLOGIQUE DE BEN LADEN
L'individu ne manquait pas de courage. Malgré ses moyens, somme tout limités, Ben Laden n'a pas hésité à s'attaquer à la Russie (du temps de sa splendeur), aux Etats-Unis et à son pays natal, l'Arabie.
Ceux qui l'ont côtoyé durant le conflit ont pu constater que son courage était réel. Il a fait ses preuves de combattant au feu, alors qu'il n'était pas obligé de s'y rendre vu sa position de logisticien. Ainsi, début 1986, Ben Laden a combattu un mois dans la région de Jadji avec une cinquantaine de moudjahiddines contre des forces supérieures en nombre. En 1987, la légende dit que lors de la bataille de Saban, il s'empare au corps à corps, du fusil d'assaut russe AKR avec lequel il aime à se faire filmer.
Ses compagnons de combat soulignent son côté humain, sa simplicité (malgré sa richesse), sa modestie (il était plus un frère qu'un chef) qui peut passer pour de la timidité, la douceur du ton de voix qu'il adopte, sa politesse, sa générosité, son sérieux, son calme imperturbable, un certain sens de l'humour et un charme personnel indéniable. Il s'est révélé être un bon père de famille, mais un mari exigeant en raison de son interprétation très rigoriste du Coran. Généralement silencieux, il s'accordait toujours le temps de réfléchir avant de résoudre un problème ou de prendre une décision importante, n'hésitant pas à consulter des responsables religieux si le besoin s'en fait sentir. Ces qualités alliées à une intelligence vive sont l'apanage d'un chef charismatique, une sorte de « Robin des Bois moderne » pour les musulmans les plus pauvres.
Son seul problème est qu'il ne doutait pas. Il se considérait comme un « pur » et tous les autres, soit comme des « mécréants » ou pire encore, comme des « traîtres corrompus ». Cette intolérance a fait se retourner contre lui la majorité des dirigeants musulmans qui craignaient - justement - pour leur poste, voire pour leur vie. Des dissensions idéologiques sont également survenues. Enfin, il ne craignait pas la mort violente, souhaitant même devenir un shahid, c'est-à-dire un martyr de la cause divine. Il avait d'ailleurs l'ordre à sa garde rapprochée de le tuer s'il risquait d'être capturé.
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Même si Bin Laden a disparu, cela n'est pas fondamental. En effet, il est devenu un « symbole », aussi bien pour l'Occident qui voyait en lui le « mal absolu » que pour les révolutionnaires islamiques qui lui vouent un véritable culte.
L'organisation Al-Qaida est dirigée par un Conseil consultatif (Majlis al Shura) où siègent tous les plus hauts responsables du mouvement. Il est vraisemblable que c'est l'un d'entre eux qui va lui succéder. Le docteur Ayman Al Zawahiri, son second, a toutes les chances d'être désigné comme nouvel « émir » du mouvement.
Sur le terrain, ces partisans vont également tenter de le venger. Il faut donc s'attendre à une intensification des attentats terroristes de par le monde. Par contre, après un temps plus ou moins long de réaction épidermique, il est envisageable que l'influence et la dangerosité d'Al-Qaida diminue, car les « révolutions arabes » lui ont également porté un très sérieux coup psychologique. En effet, la rue arabe dans sa majorité, ne semble pas réclamer l'établissement du califat mondial qu'Oussama Ben Laden appelait de ses vœux. La jeunesse montante veut plus de liberté et de démocratie, système qu'il exécrait car jugé amoral, selon sa vison du Coran.