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Exclusif pour Aschkel et Lessakele.
Libération de Clotilde Reiss :
Les marchandages honteux.
Alors que l'Elysée annonce l'arrive en France dans la journée de Clotilde Reiss en provenance d'Iran, après transfert par Dubai, -connu pour être la plaque tournante des trafics en tout genre avec l'Iran-, l'affaire diplomatique et idéologique semble prendre fin.
Pourtant, le ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner avait dit dès le début qu'il n'y avait aucune "preuve" d'une quelconque participation à des activités d'espionnage lors des manifestations, accréditant ainsi implicitement la thèse d'un complot possible contre le régime iranien, caution facilitant la répression. Mais Nicolas Sarkozy avait évoqué en décembre dernier la perspective d'un marchandage où Clotilde Reiss serait un instrument de pression :
"Clotilde Reiss a 22 ans, n'a jamais été une espionne. J'apprécie ce que vient de dire M. Ahmadinejad qui vient donc de déclarer que si elle est retenue, c'est de la faute des dirigeants français et non pas de ce qu'elle a fait."
On peut dès lors s'étonner de la respectabilité accordée à un régime qui par ses chantages agressifs et illégaux parvient à faire plier les démocraties occidentales.
Le but de l'arrestation : une extorsion de fond ?
On se souvient des images pathétiques de la jeune lectrice de l'Université d'Isfahan lors de la parodie d'interrogatoires devant le "Tribunal révolutionnaire islamique" le 8 août 2009, au moment où la répression s'abattait sur les opposants.

Arrêtée le 1er juillet 2009, enfermée, puis finalement "libérée" sous caution avec restriction de déplacement le 16 août, Clotilde Reiss se voyait accusée d'avoir transmis des notes à l'attaché scientifique de l'Ambassade de France à propos des manifestations des 15, 16 et 17 juin 2009, notes qui ne pouvaient qu'attester de la violence de la répression.
Il a fallu attendre le paiement d'une amende - pour un délit qui n'a pas été prouvé -, en clair d'une extorsion de fonds (plus de 250 000 euros) pour que la libération ait eu lieu.
Faciliter la libération de Vakili Rad ?
Très tôt, le "deal" aurait porté sur la libération de Ali Vakili Rad, assassin en 1991 de Chahpour Bakhtiyar, ancien ministre du Shah d'Iran, en détention à perpétuité - assortie d'une peine de sûreté de 18 ans se finissant en 2012-, qui avait déposé une demande de libération conditionnelle - sur laquelle se prononcera le 18 mai le Tribunal d'application des peines de Paris.

Le 22 septembre 2009, Ahmadinejad avait mentionné la libération de détenus iraniens en France comme condition facilitant la libération de Reiss : un chantage inacceptable qui ne suscita alors que des réactions pusillanimes de la diplomatie française : ce qui revenait moralement à mettre sur un même plan la jeune lectrice française et un assassin dont le meurtre était commandité par le régime théocratique iranien.
L'intérêt pour le cas "Vakili Rad" laisse pourtant perplexe : il s'agit là du volet politique et idéologique de la manoeuvre :
-humilier l'adversaire (Vakili Rad est condamné à la perpétuité),
-saper le système juridique occidentale ainsi que l'indépendance de la justice face au politique),
-gagner sur le même plan que Kaddhafi (libération d'Al Megrahi responsable de l'attentat de Lockerbie -270 morts-, toujours en vie alors qu'on lui donnait en août 2009, disait-on 3 mois à vivre..)
-et inverser les postulats idéologiques en faisant du criminel un détenu politique.
La surprenante médiation sénégalaise.
Les déclarations des hommes politiques française suite à l'annonce de la libérationde Clotilde Reiss reprennent en coeur les mêmes propos lénifiants sur l'intense activité diplomatique française, et Bernard Kouchner assurait qu'il n'y aurait eu aucune contrepartie... Ce qui ne manque pas d'étonner au regard de la durée de la résidence surveillée d'une personne présentée comme "innoncente".
Alors où est la faille ?
Contre toute attente et en opposition avec la version officielle, la Présidence sénégalaise revendique en même temps la paternité de l'accord sur la libération de Clotilde Reiss.
"Le Président de la République du Senegal, Abdoulaye Wade, Président en exercice de l'Organisation de la Conférence Islamique (OCI), se réjouit ce samedi 15 mai 2010 de la libération par Téhéran de l'universitaire française, Clotilde Reiss."
Entamée dès septembre 2009, d'après ce même communiqué, ces échanges diplomatiques auraient abouti à informer Claude Guéant du résultat :
"Le président Wade précise même les détails de la libération: Les autorités iraniennes contacteront le mercredi 12 mai dans la matinée l'ambassadeur de France à Téhéran pour confirmer cette décision et la mettre en oeuvre. Clotilde Reiss sera officiellement libre dans la période du 15 au 16 mai 2010 et pourra rentrer en France."
Quels sont alors les termes d'une telle négociation justifiant la participation sénégalaise ?
La piste du nucléaire iranien.
L'analyse de cette proximité avec l'Iran passe sans doute par Pekin et son satellite Pyong Yang.
En effet, on se rappelle que le chantier de la "Statue de la renaissance africaine" de style néo-soviétique a été mené par des ouvriers nords-coréens.
Plus intéressant encore, le fait que la société d'exploration et d'exploitation minière Uramin Inc, rachetée en 2007 par Areva suite à une OPA, et propriété à 55% depuis 2008 de la CGNPG chinoise (China Guangdong Nuclear Power Company).

Les gisements d'uranium située dans la région de Kédouggou au Sénégal représentent en effet un enjeu stratégique considérable, à l'heure où les centrales nucléaires en activité dans le monde fonctionnent sur les réserves stratégiques (le minerai extrait ne couvrant pas la demande). L'Iran vient elle-même de signer un accord avec le dictateur Mugabe du Zimbabwe lui assurant l'approvisionnement en minerai d'uranium à enrichir.
Le regard se tourne donc à nouveau vers les activités nucléaires avérées - mais non reconnues officiellement par les chancelleries -.
Le deal : la libération de Majid Kakavand contre Clotilde Reiss.
Les propos d'Ahmadinejad de septembre dernier ne porte donc pas sur Vakili Rad, mais sur un autre détenu iranien en France, Majid Kakavand dont le retour en Iran le 7 mai 2010 fait suite à la décision de la Chambre de l’instruction de la Cour d’Appel de Paris (en date du 5 mai 2010) de rejeter la demande d’extradition de l'ingénieur iranien vers les Etats-Unis.
Ce dernier a acheté entre 2006 et 2008, via une société basée en Malaisie, du matériel électronique américain dont l'importation vers l'Iran était interdite en raison de l'embargo visant la vente de produits à "double usage". Ces équipements étaient destinés à améliorer la précision et la fiabilité des missiles iraniens de provenance nord-coréenne.
Le "shahab 3" est un missile balistique capable de porter une charge nucléaire.
Ces missiles sont potentiellement porteurs de têtes nucléaires et peuvent d'ores et déjà atteindre mettre l'Europe orientale et méditerranéenne sous menace balistique iranienne.
Arrêté le 20 mars 2009 à Roissy Charles de Gaulle, soit peu de temps avant l'arrestation de Clotilde Reiss, Majid Kakavand était sous la menace d'une demande d'extradition en provenance des Etats-Unis.
De sombres perspectives.
Dans le contexte politique international, la mise en accusation de l'ingénieur iranien aurait conforté l'urgence de mesures contre le régime iranien.
Plus que l'indépendance relative de la justice française dans cette affaire, c'est tout l'édifice diplomatique qui se voit à nouveau effrité : le chantage valant mieux que la négociation, on est en droit de se demander si cela ne révèle pas simplement l'accord implicite des chancelleries occidentales à l'hégémonie d'un Iran nucléaire sur le Proche-Orient et ses plus de 70% de réserves pétrolières mondiales ?
(c) par Sacha Bergheim pour Aschkel et Lessakele.
[Vendredi 07/05/2010 11:47]